«L’Afrique libre ou la mort! Nous vaincrons!», tonne Nathalie Yamb, 54 ans, dans ses vidéos diffusées sur les réseaux sociaux. Cette Suisso-camerounaise est l’une des influenceuses les plus suivies en Afrique francophone. Native de La Chaux-de-Fonds, elle attire l’attention de Washington et de Paris depuis quelques mois. Ses contenus se rapprochent en effet de plus en plus de la propagande prorusse, comme le montre un article publié ce mercredi dans la «Tribune de Genève».
Son discours fait froid dans le dos. Elle qualifie l’invasion russe de «guerre OTAN-Russie», déclenchée par «les agressions répétées des Américains et des Européens […] contre le peuple russe». En mai 2022, elle a aussi traité les Ukrainiens de «gangrénés par les néonazis». Deux affirmations fausses. Enfin, elle a loué pas plus tard que cette semaine «la mort inéluctable de l’hégémonie occidentale» sur un plateau moscovite.
D'après les informations de la «Tribune de Genève», la France serait «intervenue formellement auprès de Berne pour s’émouvoir de son militantisme». Ce qui ne l'empêche pas de poursuivre sa propagande depuis la Suisse. Elle réside désormais à Zoug. Après avoir été expulsée de Côte d’Ivoire en 2020, elle affirme toutefois qu'elle n'a «pas du tout l’intention de [s]’éterniser» dans notre pays. Elle y a co-fondé un parti d'opposition en 2011.
Des liens avec Evgueni Prigojine?
Pourquoi la qualifie-t-on de propagandiste de Poutine? Parce que ses assertions ressemblent furieusement à la rhétorique du président russe. L’influenceuse ne reprend pas seulement les positions politiques du Kremlin en ce qui concerne l’Ukraine. Dans une vidéo récemment publiée sur YouTube, elle a par exemple mentionné une «guerre des civilisations» dans laquelle les «partisans de l’impérialisme sexuel et de genre» mèneraient leur «wokisme» contre ceux qui s’engagent pour les «valeurs traditionnelles», rapporte le quotidien genevois.
Ce qui n’est pas sans rappeler ce qu’a énoncé Vladimir Poutine devant des invités africains. «La Russie et les pays d’Afrique défendent les normes morales et les principes sociaux traditionnels de nos peuples, et s’opposent à l’idéologie néocoloniale imposée de l’extérieur», a-t-il tonné sur un plateau de télévision.
Un discours qui va particulièrement dans le sens de Nathalie Yamb. On lui prêterait en effet des liens avec le projet Afric, développé par le patron de Wagner, Evgueni Prigojine. Son objectif? Il est à trouver dans la présentation Power Point d’un agent de Wagner saisie en Libye: la promotion de l’agenda russe sous le couvert d’un réseau d’influenceurs. Les fonds pour le projet proviendraient «de sources anonymes via des cryptomonnaies». Le département d’Etat américain la décrit ainsi comme «un maillon essentiel» du réseau du patron de Wagner et aurait mis en garde contre les discours de cette influenceuse en novembre 2022.
Qu’en dit la principale concernée? Elle nie en bloc tout lien financier ou organisationnel avec Evgueni Prigojine. «J’attends qu’on me prouve que je connais Evgueni Prigojine, a-t-elle répondu à des questions de 'Temps Présent'. Je n’ai jamais été financée ni par Afric, ni par Wagner, ni par M. Poutine.» Avant d’ajouter: «Mais je ne dis pas non […]. Je prends l’argent d’où qu’il vienne.»
Une allure douce
Pourtant, ces propos d’une grande violence contrastent avec une allure douce. Vêtue de couleurs vives, elle se met en scène de façon décomplexée face à la caméra. Avec un sourire confiant et une voix douce, elle s’adresse à ses internautes de manière très posée.
Nathalie Yamb a un réseau impressionnant. Elle compte plus de 500’000 followers sur Facebook, 250’000 personnes sont abonnées à sa chaîne Youtube et près de 270’000 personnes la suivent sur Twitter. Les questions de Blick sont pour l’instant restées sans réponse.
Cette fille d’un Camerounais et d’une Suissesse avait fait les gros titres dans le passé. Entre autres parce que la Côte d'Ivoire l’avait expulsée vers la Suisse. Elle avait publiquement critiqué le gouvernement de ce pays d’Afrique de l’Ouest lors du sommet Russie-Afrique 2019 à Sotchi, en Russie.
La Suisse semble lui «offrir un cadre propice à ses activités», suppose encore la «Tribune de Genève». Depuis l’année dernière, elle n’est plus autorisée à entrer en France. Les raisons de cette mesure? Elles sont nombreuses. Elle aurait, par exemple, comparé les anciens présidents français à Adolf Hitler et soutiendrait des régimes africains anti-français.